Les Belles Histoires
BETTINI Decimo
né le 30 décembre 1910 à Pise
BETTINI Decimo
du V.C. Méditerranéen
Après le prestigieux AImar, le modeste et trop effacé Decimo Bettini est de tous les routiers Marseillais celui dont la carrière s'honore du plus beau palmarès sinon par le nombre du
moins par la qualité de ses succès, le plus remarquable demeurant celui qu'il remporta sur une formidable sélection d'internationaux sur les 367 kms du Critérium du Midi en 1938...
Mais n'anticipons pas.
Né à Pise le 30 décembre 1910, Bettini avait 19 ans lorsqu'en 1939 il fit ses débits en compétition à Marseille où ses parents étaient venus se fixer.
Si après douze années de courses Decimo s'est affirmé comme le plus dur et le plus régulier de nos champions régionaux, ses premiers pas furent cependant assez difficiles. en effet,
malgré ses succès de débutant et une victoire dans le Besson en 1931, son apparence chétive jointe à son manque de vitesse semblait lui interdire l'accès aux premiers rôles.
Ce n'est qu'en 1932 qu'il affirme ses prétentions en renouvelant son succès au Grand Prix Besson et en triomphant encore dans le Grand Prix de l'Estaque, puis - première grande victoire -
dans le Grand Prix de Nîmes où il bat Mihière et Bernardoni qui commençaient aussi à faire parler d'eux.
"Tour de France"
L'année suivante, continuant à manifester d'indéniables progrès, Bettini remporte quatre nouveaux succès : à Salon devant "Gégène" Capeau; à Sainte Marthe devant Troggi Nello, à
Bédarrides devant Fliffel et à Carcès devant Aimar. N'hésitant pas à se lancer dans le "bain" des grandes épreuves internationales nous l'y verrons réaliser de très bonnes performances dont il
faut situer au premier plan celle de 21° au classement général et 7° de la catégorie des individuels dans le Tour de France, sans oublier ses places de 2° à Châteaurenard derrière Louviot; 5° de
Marseille-Lyon; 8° de Milan-San Remo; 30° avec deux crevaisons de Paris-Bruxelles, 20° de Paris-Tours et 13° du Critérium du Midi.
En 1934, Decimo gagne le Grand Prix de Sainte Marthe devant Fantini et Bistagne; le Grand Prix d'Arles devant Maniglio et Mihière; le Circuit des Villes d'Eaux d'Auvergne en deux étapes
où il bat Monpied et Lesueur, et le Grand Prix Walsdorf, à Cannes, où il dispose de Weck et de Magnani. Il termine encore 2° du Tour de Corse dont il s'octroie deux étapes.
Naturalisé et devant satisfaire à ses obligations militaires, Bettini ne réalisera rien d'intéressant en 1935. Mais, sitôt libéré, il ne tarde pas à reprendre le cours de ses exploits et
il enlève, en 1936, le pénible Tour de Corse de Marseille-Matin après une lutte serrée avec les Niçois de Lucietti, lutte dont ma qualité de manager occasionnel et bénévole du team Bettini,
Yélamos, Blanès, Toran m'avait valu le privilège d'être huit jours durant le témoin passionné.
Auparavant Decimo avait été 3° d'une mémorable première étape du Tour de France que des furoncles mal placés le forcèrent à abandonner au cours de l'étape Narbonne-Perpignan? Mais, s'il
fur encore 5° de Marseille-Lyon, c'est dans les rocailles des routes de Vizzavona à l'Ospèdale, qu'il devait trouver la grande cadence pour fournir une étonnante fin de saison qui allait faire de
cette année 1936 une des plus belles de sa carrière. Successivement, en effet, à son retour de Corse, nous le verrons remporter le Grand Prix de Mende, le Circuit de Lyon devant Aimar et Lorino,
le Circuit des Alpes, devant Galateau, Rinaldi, Benoît Faure et le regretté Buttafocchi, et, enfin, devant Charras et Puy, le Grand Prix Tendil à Nîmes.
Pour avoir été 5° au classement général du Tour du Maroc; premier dans Lyon-Vals, devant Aimar; vainqueur encore devant le même Aimar et son jeune frère Augustin, dans le Critérium
d'Aubagne, Decimo semblait devoir fournir encore une grande saison 1937 s'il ne s'était malheureusement brisé la clavicule au cours du Grand Prix d'Avignon. Assez rapidement rétabli il réalisera
cependant encore avant la fin de la saison quelques bonnes performances dont la meilleure est sa place de 6° dans Marseille-Lyon.
Je ne saurais commenter ici la multitude des exploits que Bettini devait encore accomplir en 1938 ajoutant à son palmarès cinq grandes victoires sans concurrence d'une multitude de places
d'honneur. Pourtant jusqu'au Tour du Sud Est que, malade, il boucla sans éclat, son début de saison avait été relativement quelconque. Mais ayant vaincu le mal et trouvé une fois encore la forme
dans ce merveilleux "rodage" que constitue la course par étapes il remporte le mois suivant son premier succès dans le, Tour du Gard en deux étapes, qu'il gagne devant Aureille, Molinaro,
Arnaldi, Puppo, etc. Succès qu'il devait confirmer quelques jours plus tard par le plus beau de tous dans le Critérium du Midi qu'il gagne à 36 kms 645 de moyenne pour les 367 kms du parcours
avec plus de 3 minutes d'avance sur le Belge Muls, lui-même détaché devant Lauk, Cloarec, Level, Dirat, Deltour, Vlaeminck et van Kerkhoven derniers rescapés d'un peloton groupant au départ des
hommes tels que : Maes, Danneels; Valetti, vainqueur du Tour d'Italie, Storme, vainqueur de Paris-Roubaix, Somers, Mithouard et Guy Lapébie.
Après avoir encore gagné à Aix le Grand Prix Laffont en deux étapes, Bettini, sélectionné dans l'équipe Française, participe au Tour de Suisse. Mais chargé par la marque pour laquelle il
dispute le Tour d'expérimenter un nouveau dérailleur, il y connaîtra les pires mésaventures et devra se contenter 2° des Français, mais à la très modeste place de 35° au classement général. A son
retour, comme pour nous prouver qu'il n'avait nullement démérité il triomphe à nouveau à l'issue des 250 kms du Circuit des Cévennes devant Aimar, Montalban, Aureille et Bernardoni et remporte
enfin un dernier succès dans le Grand Prix de Bagnols sur Cèze.
A cette ultime et modeste victoire une seule autre tout aussi modeste devait s'ajouter en 1939 dans le Grand Prix d'Istres où cependant il réalisait l'exploit pour lui peu ordinaire de
battre une douzaine d'hommes au sprint parmi lesquels Vernis, Macone, Chapuis, Rémy, Viater, Scalbi, etc...
En bonne condition il terminait ensuite 2° du Grand Prix de Châteaurenard, derrière Aureille, 7° de Marseille-Lyon, et 3° du Circuit des Villes d'Eaux. Mais depuis celui d'Istres jamais
plus Decimo n'a connu la joie du succès. mais depuis - hélas ! - bien des choses inopportunes se sont passées. Il y a eu la guerre et après la nouvelle réglementation limitant considérablement le
champ d'activité des professionnels.
Il y a pour le brave Decimo aussi le cap de la trentaine, durant cette période, passé.
Mais cependant, depuis la reprise, bien qu'il ait eu à se sacrifier souvent à l'intérêt de l'équipe France-Sport nous l'avons vu réaliser encore et dans des épreuves particulièrement
dures comme la Flèche du Rhône, le Critérium de Cannes et Vichy-Limoges, quelques performances qui semblaient indiquer qu'en dépit du poids des ans et de sa loi inexorable Decimo est encore
capable de nous étonner.
Par sa participation aux deux cyclo-cross qui viennent de se disputer à Marseille il nous en affirme en tout cas sa volonté
Guy Helmet
La Gazette Sportive 1942.